Le premier privilège

Lorsque j’ai vu pour la première fois la photo de la famille Ramirez du Honduras, j’ai presque été déçue. La famille est assise dans le maïs car c’est le moment de la récolte, les enfants sont a moitié nus, ronds, souriants et semble tous bien se porter. J’avais l’impression qu’avec cette photo, je n’arriverais pas à communiquer la vie des gens de ce pays, le deuxième plus pauvre des Amériques. Et comment revenir à ma société, aussi friande de pauvreté que de richesses, sans montrer la pauvreté? On me sortirait certainement la classique : « Ils sont pauvres, mais ils sont heureux. »

Oui, ils paraissent se porter très bien, mais pourtant pendant de longues périodes de l’année, Emilia ne dispose que du maïs dont elle fait les tortillas pour nourrir ses enfants. Cherchant à comprendre, je regardais cette photo et mes yeux chaque fois se fixaient sur le sourire d’Emilia. Une femme accueillante, qui dès le réveil, souriait et chantait. Elle avait un regard rempli d’amour et était toujours accessible à ses enfants. Dans l’obscurité de la nuit, c’est sa voix qui résonnait encore alors qu’elle racontait sa journée à son nouveau compagnon et père de son cadet. Emilia avait vingt-quatre ans, c’était son cinquième enfant.  

La rivière à trente minutes de marche, une structure de maison ouverte aux vents et au froid, les enfants d’Emilia étaient souvent sales et morveux ! Malgré tout, ils partageaient une belle complicité avec leur mère et ils étaient écoutés par elle. J’ai compris comment ces enfants reflétaient l’amour dont ils étaient nourris. Leurs yeux nous amènent directement à leur cœur. 

C’est ainsi, en pensant à toutes les familles visitées, que j’en suis venue à la réflexion suivante: peu importe où l’on naît et dans quelles conditions, le premier et plus grand privilège est de venir au monde dans une famille de parents souriants, accueillants et aimants. Ne pas repousser ses enfants quand ils viennent vers nous, leur sourire, les aimer, voilà un énorme cadeau qui leur permettra de réaliser leurs projets tout en gardant l’espoir de réussir leur vie. 

Que ce soit dans les bidonvilles ou dans les endroits les plus pauvres, où je croyais qu’il était impossible de vivre, j’ai pu découvrir des parents qui se levaient le matin avec un sourire pour leurs enfants ; peu importe les conditions de leur vie, ils sont capables de leur manifester une grande bienveillance. Des parents comme Emilia, il y en a partout dans le monde et ce sont leurs enfants qui sont les plus privilégiés. Cet amour n’a pas de frontières ; ce n’est pas une condition économique, c’est une faculté du cœur. 

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