Vitoli Temou’s Family
Vitoli Temou, aged 62
Marao Vitoli
Talamoni, 27
Nome, 25 (absent)
Sulufaing (Sulu) 16
Galuola Ta1amoni,2 (5)

10 pigs
87 chickens
2 dogs
2 cats

Funafuti,
Le 29 décembre

À 100 metres gronde l’océan Pacifique

Il fait toujours nuit et la lune brille encore. Vitoli sort de sa maison ouverte à tous vents, attrape son harpon et passe son panier sur l’épaule. Il se dirige, par l’unique route de Funafuti, vers la pointe de cette ile minuscule où, dit-il, les poissons abondent. Il connait plusieurs techniques de pêche, mais, ce matin, il choisit sa méthode préférée: la pêche au harpon. Il marche sur la route déserte, qui longe, sur sa gauche, un lagon calme et bleu. De l’autre cote, à cent mètres à peine, gronde l’océan Pacifique. Peu de maisons ici : la plupart des deux mille huit cent dix habitants de Funafuti, l’ile capitale de Tuvalu, vivent entassés à l’autre bout, dans le seul bourg du pays.

L’eau de pluie ne suffit plus aux besoins

La pénurie de terres s’aggrave, surtout à Funafuti. En dix ans, la population a tellement augmente que les matériaux manquent pour construire les maisons traditionnelles et que l’eau de pluie ne suffit plus aux besoins: les eaux souterraines, trop salées, ne sont pas potables. Trop salée, la terre l’est aussi, même en surface, à cause des vents marins. Rien, ou presque, n’y pousse. De plus, les Américains ont excavé de grandes quantités de terre pendant la Seconde Guerre mondiale pour construire une piste d’atterrissage, laissant d’énormes trous , appelés « trous de l’emprunt», qui n’ont jamais été rebouches. S’ils l’étaient -tous en rêvent­ cela redonnerait de l’espace.

Thé avec les « navy biscuits »

6 h 00 Marao, timide épouse de Vitoli, allume le feu dans la butte-cuisine et prépare le thé qu’elle servira avec des biscuits de marine et les restes de poisson du diner. Sa fille Sulufainga se lève, roule les nattes de couchage de toute la famille, plie les draps et range le tout, avec les oreillers, sur des étagères en rondins. Elle attrape le balai de palmes et nettoie, clans la cour, les palmes sèches des cocotiers et les feuilles des arbres proches, bananiers, arbres à pain, pandanus, que le vent charrie chaque jour autour de la maison.

C’est la saison des vents d’ouest qui amènent les cyclones. En 1972, Bebe a ravagé toutes les habitations et tous les arbres de l’île. Les maisons en béton de la capitale ruent bâties grâce aux secours internationaux. Vitoli vit dans l’une des rares maisons traditionnelles restant sur Funafuti. 

6 h 30 Vitoli revient avec six poissons et s’assoit pour le petit déjeuner. Le sien terminé, Marao emporte les poissons au lagon pour les nettoyer. Vitoli nourrit les poules pendant que Sulu habille la petite Galuola, fille illégitime de son frère Talamoni et adoptée par Vitoli. 

Les jeunes bacheliers ont peu de choix

Sulufainga, en vacances pour les fêtes de Noel, vient juste de terminer sa quatrième année d’études secondaires. Le seul lycée de Tuvalu, comptant deux cent cinquante élevés, est situé sur l’ile de Vaitupu. Sulu, pensionnaire, y vit donc presque toute l’année. Intelligente et travailleuse, elle figure parmi les cinq premiers de sa classe. L’année prochaine sera la dernière qu’elle pourra passer dans son pays. À part les apprentis de l’école navale (l’argent envoyé par les marins compte beaucoup dans le budget des familles), les jeunes bacheliers ont peu de choix. Pour Sulu, le seul espoir est d’obtenir du gouvernement une bourse pour étudier à l’étranger et à Fidji, en Nouvelle -Zélande ou en Australie. Vitoli voudrait que sa fille devienne médecin, Sulu préfère les maths, mais il se peut que le gouvernement, selon les besoins du pays, décide de l’orienter vers une branche totalement différente.

Vitoli écrase des noix de coco pour Les cochons pendant que Marao jette du grain aux poules. Depuis cinq ans, Vitoli produit des œufs, mais en ce moment ses poules pondent mains bien : il commence à douter de la qualité des aliments importes.

Les îles extérieures vivent toujours des produits de la mer et de la terre, mais, ici, sur l’îles-capitale, les boutiques proposent de plus en plus de produits importés comme le riz, la farine et l’huile. L’alimentation de la famille de Vitoli a considérablement changé.

Seule Sulu à échappé à sa sévérité

8 h 30 Talamoni arrive avec deux cousins pour couper des couronnes de cocotier qui seront utilisées comme décorations demain au mariage d’un parent. Dans le village, Vitoli et son fils ont la réputation d’être des mauvais caractères et de ne pas bien s’entendre. En fait, Vitoli, sévère et intolérant, vit assez isole. «Dans le village, dit-il, on ne m’aime pas parce que je bats toujours mes fils. » Et il est fier d’ajouter que, même à leur âge, ses fils se laissent battre sans protester. Il voudrait qu’ils vivent près de lui et s’occupent des poules à sa place. Ainsi, il pourrait se reposer, comme il se doit pour un homme de son âge. Mais eux préfèrent se tenir à l’écart, à l’autre bout de l’ile, distant d’à peine trois kilomètres. Talamoni, brillant diplômé de l’académie de police des Fidji, s’est fait prendre en train de voler, a perdu sa licence et a déjà fait plusieurs séjours en prison. Il aimerait bien vivre comme son père et passer ses journées à pécher plut6t que de se retrouver au bourg, mais comme il ne peut supporter son père. Son frère Nome vit aussi au bourg avec sa femme et vient rarement voir leur père. Le troisième fils de Vitoli s’est suicide en 1981. Seule Sulu à échappé à sa sévérité. «Les filles, dit-il, se marient et partent vivre dans la famille de leur époux, il est donc inutile de les battre. »

« Dès que j’arrête de travailler, je deviens agité »

10h 00 Talamoni est à la pêche et Sulu ramasse du bois. Vitoli, assis en tailleur, caresse Galuola : toute sa sévérité et son intolérance ont fondu à la chaleur de son amour pour cette petite -fille. La tradition veut que les enfants d’un fils soient élevés par sa famille. Aussi était-il important pour Vitoli que la petite lui revienne.

10h 30 Marao brode un coussin pour Sulu. Pour abreuver ses poulets, Vitoli remplit ses seaux au réservoir d’eau de pluie.

« Dès que j’arrête de travailler, je deviens agité », soupire Vitoli en s’asseyant a cote de Marao. « Mais, à peine me suis-je remis à la tâche, que j’ai envie de me reposer ! » Sa femme a sorti sa vieille machine à coudre rouillée et il l’aide à la mettre en marche.

Vitoli ne déroge pas à la réputation de voyageurs aventuriers qu’ont les natifs de Tuvalu. Il quitta son ile natale de Nukulaelae avec son père en 1936 pour Kiribati et Phoenix Island puis, pendant la Seconde Guerre mondiale, s’arrêta aux iles Canton ou il fut chauffeur routier pour les Américains. Après quoi, il travailla dans des mines d’or aux Fidji, et sur Christmas Island pour les Anglais qui y faisaient des essais nucléaires. À cette époque, il avait déjà épouse Marao, la sixième femme de sa vie. Seuls les enfants qu’ils ont eus ensemble ont survécu. Si les autres étaient en vie, il y en aurait quatorze en tout.

En 1961, Vitoli revint a Tuvalu pour s’occuper de ses parents âges, sinon il aurait perdu ses droits d’ainesse sur les terres et sur le titre de matai” (chef de clan).

«Sans terre et sans éducation, aujourd’hui, on ne peut pas vivre », dit-il.

Fils ainé, Vitoli est responsable de la répartition entre tous les membres de sa famille des dix petits lopins de terre, disperses dans tout le pays. Les terres ont été transmises depuis des générations et il est très complique de savoir exactement qui possède quoi. La terre établit le statut d’une famille, le rôle de Vitoli est donc très important. Les ragots du village rapportent que l’isolement de Vitoli est dû à une querelle de famille au sujet de sa distribution des terres. Vitoli n’aborde pas le sujet.

 

 Le poisson cru directement de l’eau clair du Pacifique

15 h 30 Au menu du déjeuner, du thé et des petits poissons de récifs attrapes par Talamoni. Après une sieste pour échapper à l’accablante chaleur de midi, Vitoli récupère les excréments du poulailler comme engrais pour le jardin ou il essaie tant bien que mal de faire pousser du chou chinois et des concombres. Sulu et une camarade barbotent dans l’eau merveilleusement claire du Pacifique : elles se délectent en croquant des poissons crus. Talamoni quitte discrètement la maison avec son filet de pêche, accélérant le pas à mesure qu’il se rapproche de la mer. Lorsqu’il envoie son filet sur les vagues, l’ex-prisonnier se sent redevenir un homme libre. À part deux liaisons aériennes hebdomadaires avec la capitale, les transports entre les neuf iles de Tuvalu ne sont assurés que par un seul bateau, le Nivea. Il fait la navette entre les quatre îles du nord, revient à Funafuti, et repart pour les iles du Sud, poussant parfois jusqu’aux Fidji. Entre deux navettes, selon la saison et les cyclones, il faut parfois attendre plusieurs mois !

 

Besides two planes a week, to and from the capital, travel between Tuvalu’s nine islands is limited to one boat, the Nivaga. It makes a run of four of the islands north of the capital, stopping a few hours at each, then comes back to Funafuti for a southern run that sometimes brings it down to Fiji. If one goes to an outer island to stay, it could take months to return. When government officials visit the outer islands, the few hours the Nivaga stop is all the time they have to speak to their people.

She fears ghosts in the dark

6:30 Sulu has persuaded her friend to go with her to the village to see a film at the community hall. Her father would not have allowed her to bicycle alone, and, in any case, she would not have wanted to; she fears ghosts in the dark. The sun is setting on the lagoon and night has fallen by the time they reach the village. Their bicycles safely parked at a cousin’s house, the two girls walk to the open-walled centre. It is already crowded. Women have spread their mats and pillows and laid their babies clown to sleep. Men are rolling Gallagher’ s Famous Irish Cake tobacco in banana leaves to smoke. No one knows what they will see, but any film is welcome.

Young men stretch a large white cloth that looks like a sail between two wooden pillars, but they never do get it taut. Throughout the film, the cloth waves in the wind, adding unplanned movement to the actors in Our Lady of Fatima. The 18 Catholics on the island may know what it is all about, but the others just enjoy a distracting evening.

9:00 Once Sulu and her girlfriend leave the village, there is no more electricity. Sulu’s pocket flashlight and the half moon on the white coral sand are enough to help them avoid the holes in the road. The journey is peaceful. Even the dogs are quiet, and the ghosts have stayed away.

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C’est une aventure, c’est un éveil est c’est humain