La Famille Fihu

Selwyn Fihu, 47 ans (1)

Agnès  Fihu,  40 ans (2)  

Michael Fihu, 20 ans (3)

Jennifer, 17 ans (absente)

Nash,  13 ans (4)

Christopher, 7 ans (5)

Max, 3 ans (6)  

5 cochons 15 poulets   

Nareabu,
January 29

Le bateau arrive!

6 h 00 Le bedeau frappe sur un bidon d’essence vide accroche à la branche basse d’un arbre à pain. Le tintement se propage dans le village côtier, invitant les habitants à faire leur prière du matin. Les Fihu se lèvent rapidement, revêtent leurs plus beaux habits et rejoignent en silence les autres membres de la communauté, en traversant le terrain vague au centre de Nareabu. Dans l’église, seul bâtiment en dur du village, une femme lance un cri aigu, première note du psaume du matin.

6 h 30 Au retour de la prière, Selwyn se met à la recherche d’un coin isole sur la plage, au bout de son jardin: plage et buissons sont les seules «installations sanitaires » de Nareabu … Quelques minutes plus tard, un homme passe en courant et crie:                                                                                  «Le bateau arrive ! »  Derrière le récif de corail apparait la silhouette blanche du Compass Ross II qui vogue vers Buala, la principale localité de l’île. Le ferry était en panne depuis une quinzaine de jours. Tous attendaient son retour avec impatience. Branle-bas de combat! Michael, le fils ainé, n’a qu’une envie: partir. II a déjà manque deux semaines de cours à l’université d’Honiara, la capitale du pays. Sa sœur Jennifer a pu, elle, s’y rendre juste avant la panne du navire, a temps pour la rentrée scolaire. Avec ses jeans, son tee-shirt et son petit anneau à l’oreille, Michael a déjà l’air d’un citadin. Vite, il enveloppe ses quelques affaires dans sa natte de paille, et dévale la pente boueuse qui sépare sa maison de la plage: la, dans sa pirogue, Selwyn l’attend pour l‘emmener jusqu’au récif.

Plus que six jeunes hommes restants au village 

 

Agnès, sa mère, attire a grands gestes l’attention d’un bateau-taxi fonçant vers Buala. Le bateau, déjà surcharge de passagers, vire sur place et s’immobilise en eaux profondes, près du récif. Michael met un pied dans la pirogue et se retourne. Devant lui, Agnès attend pour lui dire au revoir.

Toujours un peu sur la réserve, mère et fils se serrent la main, évitant de se regarder. À toutes rames, Selwyn et Michael se hâtent vers le bateau-taxi. Avec ses deux petits, Christopher et Max, Agnès regarde le bateau s’éloigner en pétaradant. Après ce départ, il reste seulement six jeunes hommes au village.

 

Agnès sait que son fils est heureux maintenant. Hier soir encore, il disait: « J’ai hâte de quitter ce village boueux, il n’y a rien ici pour nous, les jeunes. » II a raison. Les vieux du village se sont opposés a tout programme d’activités sociales pour les adolescents: selon eux, ils devraient se contenter d’aider leurs parents au travail de la terre, comme eux l’ont toujours fait. Selwyn, qui est d’accord pour bousculer les traditions, s’inquiète tout de même pour l’avenir des jeunes qui quittent le village pour la capitale. «Que vont-ils devenir s’ils n’ont plus la terre? » se demande-t-il. Et, de son fils, il reconnait: «Ce n’est plus le même. II était gai et serviable, aujourd’hui il n’est jamais content. » Pourtant, Selwyn espère que ses études lui seront profitables et qu’elles feront de lui un leader: «Ce sera ta seule façon de changer les choses à ton retour au village.»

Five houses in 23 years

Selwyn fears for the future of the young who leave for the capital. “What will happen to them if they don’t have the land to fall back on?” he asks.

Because of their fragile building materials and the cyclones that frequently hit the region, the Fihus have had to build five houses in 23 years. Now they are building separate quarters for the boys; the girls will stay in the house with their parents

The first thing one notices when entering the house is the calendar with which Selwyn plans his family. He follows his wife’s menstrual cycle very closely: Selwyn cannot afford any more children.

L’appel au travail communautaire

7h00  Le gong de l’église retentit à nouveau. À Santa Isabel, on n’a pas besoin de montre: les cloches de l’église et de l’école rythment la vie des villageois. Cette fois-ci, c’est pour le travail communautaire. Il faut construire un mur dans l’un des bâtiments de l’école pour faire deux salles de classe. Quelques hommes tressent des palmes de sego que d’autres monteront en couches pour édifier le mur.

7h30 La cloche de l’école primaire appelle les enfants. Eux aussi ont un travail communautaire : ramasser les feuilles mortes et balayer le sol de terre battue des salles de classe. Nash et Christopher quittent la maison en finissant de mâcher une patate douce. Avant de les suivre, Selwyn allume le feu dans le fumoir pour sécher le copra (chair de noix de coco) et les feuilles de pandanus utilisées pour tresser des nattes. Puis, couteau de brousse en main, il s’éloigne de la maison à grands pas, avec Max, laissant Agnès qui fait la vaisselle sous le robinet extérieur. L’épaisse fumée s’élevé à travers les arbres fruitiers entourant la maison. Quelques rayons de soleil qui filtrent à travers les frondaisons donnent à ce paysage un air de paix et de sérénité.

Il était content de ce qu’il voyait

Selwyn est heureux avec sa femme que lui a choisie son oncle. Il admet que, un peu inquiet avant les présentations, il fit une expédition à travers la foret pour aller observer sa future dans sa montagne. Il en revint rassure … Agnès est très timide. Elle n’est jamais allée à l’école. Aujourd’hui encore, elle préfère son dialecte et évite de parler le pidgin English. « Avec une femme analphabète, observe ingénument Selwyn, vous êtes sur d’avoir toujours de quoi manger et une natte pour dormir. » Pourtant, Selwyn tient à ce que ses enfants s’instruisent et à ce qu’ils choisissent eux-mêmes leur futur conjoint.

 

 

 

“La femme donne vie, tout comme la Terre”

 8 h 00 Agnès se prépare pour aller travailler dans l’un de ses jardins, près de Jeevo, le village de sa mère, a une demi-heure de pirogue. Ce jardin lui appartient puisque la terre se transmet par Jes femmes : «Les femmes donnent la vie, tout comme la terre le fait », dit Selwyn pour expliquer la tradition. Agnès rythme ses coups de rame en chantant. En voyant passer un bateau à moteur, elle murmure avec envie : « Quand on sait que l’on peut se déplacer avec tant de facilité, on n’aime plus beaucoup ramer ! »                           

Dans ce jardin-là, elle va ramasser des patates douces. Les noix de coco et Jes bananes proviennent d’un autre jardin. On n’a pas de problème de terre à Santa Isabel : il y en a assez pour tout le monde. Les Fihu ne savent même pas exactement quelle superficie ils possèdent. Mais, malgré l’abondance de terrain, la nourriture est peu variée. La plantation des ananas a été mal planifiée et la récolte est déjà terminée. Le manioc et l’igname viennent tout juste d’être plantes, et es récoltes de papayes et de concombres ont été détruites par sept mois de sècheresse.

10 h 30 La cloche de l’école annonce la recréation. Nash se précipite à la maison pour grappiller un morceau de canne à sucre. Christopher attend le départ de sa sœur pour attraper en secret des biscuits secs dans leur cachette.

Ponte d’un oeuf, entre la bible familiale et quelques livres scolaires

13 h 00 Selwyn rentre chez lui pendant l’heure du déjeuner afin d’ouvrir sa petite boutique au coin de la maison. Il y vend du tabac, des conserves et tout un petit bazar. Ces modestes gains et son principal revenu qui provient du copra lui permettent à peine de financer Jes études de ses enfants. Michael sera instituteur. Jennifer n’a plus qu’une année d’école. En revanche, Selwyn est prêt à investir dans des études pour Nash: de tous ses enfants, c’est la plus intelligente et la plus avide de connaissances. Selwyn cherche Max, mais il ne rencontre qu’une poule en train de pondre un œuf, entre la Bible familiale et quelques livres scolaires. Max, momentanément livré à lui-même, est allé s’amuser avec ses petits amis et ses cousins. Lorsque son père le retrouve, il lui donne un morceau de poisson et une patate douce. Max est fatigue et grognon. Selwyn l’accroche sur son dos avec un pan de tissu et l’enfant s’endort rapidement.             

Son canot disparu pendant qu’elle était au jardin

14h00 Lorsqu’Agnès rentre, Max est toujours endormi, accroche au dos de son père. Agnès est un peu énervée: sa pirogue a disparu alors qu’elle travaillait au jardin et il lui a fallu demander qu’on la ramené au village. « Quelqu’un a dû en avoir besoin et l’emprunter », dit Agnès, ne songeant pas un instant à un vol. Elle a prié les habitants de Jeevo de dire à l’emprunteur de la lui rapporter. Elle porte un sac de patates douces jusqu’au robinet et commence à les laver, en laissant couler l’eau aussi sur son corps. Ainsi rafraichie, elle remonte la pente jusqu’à sa cuisine, allume le feu de bois et commence à faire du bitis, un pudding de patates douces et de lait de coco.

15 h 00 Si la matinée a été calme, on entend maintenant les cris et !es rires des enfants dans la cour de l’école. Après un après-midi consacre aux sports et aux jeux, ils rentrent chez eux, juste au moment où le ciel commence à se couvrir, le vent à souffler de plus en plus fort. La pluie tropicale de l‘après-midi s’abat brusquement. Agnès, assise à l’ abri, tresse de nouvelles nattes de couchage.

Les enfants refusent de manger la nourriture traditionnelle

17 h 30 Le gong de l’église annonce les prières du soir. Agnès reste occupée à la cuisine: ce sera à Selwyn de veiller à ce que le petit Max garde le silence pendant la prière.

18 h 10 Selwyn allume la lampe à kérosène pendant que sa femme et ses enfants, assis par terre, se servent d’un plat de poisson et de patates douces. Ici, pas de nourriture importée: ni riz ni conserves. Pourtant, les enfants en raffolent. «Dans cette maison, s’entête Selwyn, nous continuerons à ne manger que les produits de notre jardin. C’est de la nature que nous vient notre vraie richesse. »

20 h 00 Une dernière fois, la cloche sonne pour appeler !es enfants d’âge scolaire a la prière. À nouveau, les enfants mettent leurs beaux habits. Ils remercient Dieu pour la journée qui vient de s’écouler, chantent des psaumes et rentrent chez eux pour se coucher.                                                        Christopher et Max s’endorment Sur une natte a cote de leur mère. Elle les portera dans la chambre qu’elle partage avec Selwyn lorsqu’elle ira se coucher. Pour l’instant, elle décore de coquillages un broc qui servira de vase à l’église.

Qu’y a-t-il à faire sinon dormir?

21 h 00 Le village est très calme. La marée est basse et, sur la plage déserte, deux jeunes adolescents marchent, main dans la main, essayant de prolonger la journée. Ils marcheront jusqu’à ce qu’ils soient surs de pouvoir dormir. Comme Michael, ils disent: «Dans ce village, quand la nuit est tombée, qu’y a-t-il à faire sinon dormir? »

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C’est une aventure, c’est un éveil est c’est humain

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