Dépourvus de terres
La binette sur l’épaule, Amin part pour inonder certaines rizières. En barrant les petits canaux qui sillonnent les champs, il détourne l’eau vers ses terres. Ce système d’irrigation lui permet de faire deux récoltes par an. Au cours de sa vie, Amin a réussi à acheter 1,4 acre de terre, qu’il a divisé en vingt petak (carrés de terre) délimités par des canaux surélevés. Mais cela ne suffisant pas aux besoins de la famille, Amin est, en plus, employé agricole, tout comme ses gendres, dépourvus de terres car il n’y en a plus de disponibles.
Marchant joyeusement avec ses canards
Kusnadi part avec ses cent canards bebek et ses cinq moutons. Il a abandonné l’école, et son père ne conteste pas cette décision: «S’il préfère travailler, qu’il travaille!» Et il travaille très bien: il a commencé avec cinq canards, vendu leurs oeufs, fait des économies, acheté d’autres canards, et ainsi de suite. Aujourd’hui, sa petite entreprise prospère. Le père refuse l’argent que lui propose son fils, l’encourageant à investir davantage. Tous les matins, on peut voir Kusnadi marchant joyeusement avec ses canards le long des rizières: les membres de son régiment emplumé le suivent en cherchant des limaces. Le soir, il leur donne du menir, de fins morceaux de riz restant après le battage.
13h00 Avec quelque appréhension, Tasem se rend au moulin afin d’acheter du son de riz pour les bêtes. Elle entre en silence, longeant le mur: elle n’a pas d’argent liquide et elle proposera au meunier de le payer avec des oeufs. Elle sait qu’il va crier: «Tout le monde veut me donner des oeufs ! J’ai besoin d’argent aussi.» Finalement, il acceptera en disant, comme toujours: «C’est la dernière fois.» La fière Tasem repart, espérant qu’un jour elle n’aura plus à subir ces humiliations.
14h00 Tasem s’accroupit dans la cuisine et commence la préparation du dîner. Avec une citrouille, de la noix de coco et des piments très forts, elle mitonne l’accompagnement pour le riz du soir. Actuellement, le riz ne manque pas et on peut avoir du poulet et de la viande de plus en plus souvent. Il n’en a pas toujours été ainsi: Amin et Tasem se souviennent du temps où manger un petit morceau de viande était un événement de taille! À l’époque, le pays ne produisait même pas assez de riz pour nourrir toute la population. Aujourd’hui, les fils d’Amin mangent plus que lui au même âge, et il est fier de les voir, comme tous ceux de leur génération, devenir de grands et solides gaillards.